Pour
la première fois, vingt-trois organes des Nations Unies
- agences et secrétariats de conventions - ont associé
leurs efforts et leurs expertises pour produire le Rapport
mondial sur la mise en valeur des ressources en eau,
qui offre une vision très large de l'état des réserves
d'eau douce dans le monde.
La
situation
La
crise mondiale de l'eau
En
ce début du XXIe siècle, la Terre et ses formes
de vie diverses et abondantes - notamment ses 6 milliards d'êtres
humains -, sont confrontées à une grave crise de
l'eau. Tous les signes suggèrent que cette crise s'intensifie
et que la situation continuera d'empirer tant qu'aucune action
corrective ne sera menée. Crise de gouvernance, elle résulte
essentiellement de nos modes de gestion inadaptés. Mais
la véritable tragédie est son effet sur la vie quotidienne
des populations pauvres, terrassées par le fardeau des
maladies liées à l'eau, qui vivent dans des environnements
dégradés et souvent dangereux, qui luttent pour
que leurs enfants reçoivent une éducation, pour
gagner leur vie et assurer leur subsistance. La crise frappe également
l'environnement naturel, meurtri par les montagnes de déchets
que l'on y déverse chaque jour, par une exploitation abusive
et néfaste, peu d'attention semblant être accordée
aux conséquences de ces pratiques et aux générations
futures. En réalité, ce sont des problèmes
d'attitude et de comportement qui résident au coeur de
la crise. Nous connaissons la plupart de ces problèmes
(pas tous, néanmoins) et, le plus souvent, nous savons
où ils se situent. Nous disposons des connaissances et
des compétences pour commencer à les résoudre.
Nous avons élaboré d'excellents concepts, tels que
l'équité et la durabilité. Cependant, l'inertie
au niveau des dirigeants ainsi que l'absence d'une prise de conscience
du problème par la population mondiale (qui, dans de nombreux
cas, n'est pas suffisamment autonome pour pouvoir agir) font que
nous ne menons pas, en temps utile, les actions correctives nécessaires
et que nous ne donnons pas aux concepts une résonance concrète.
Pour
l'humanité, la pauvreté d'un fort pourcentage de
la population mondiale est à la fois le symptôme
et la cause de la crise de l'eau. Donner aux pauvres un meilleur
accès à une eau mieux gérée peut contribuer
à éradiquer la pauvreté, comme le démontrera
le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau
(World Water Development Report, WWDR). Cette amélioration
de la gestion nous permettra de faire face à la diminution
des ressources en eau par personne dans plusieurs régions
du monde en développement.
Résoudre
la crise de l'eau sous ses multiples aspects est l'un des nombreux
défis que devra relever l'humanité en ce début
du troisième millénaire, et c'est donc dans ce contexte
que le problème doit être posé. La crise de
l'eau doit trouver sa place dans un scénario plus général
de résolution des problèmes et des conflits. Comme
l'a souligné en 2002 la Commission sur le développement
durable (Commission for Sustainable Development, CSD) : «
Léradication de la pauvreté, en changeant les modes
de production et de consommation insoutenables à terme
et en gérant les ressources naturelles du développement
économique et social, est l'objectif dominant, et l'exigence
essentielle, du développement durable. »
Néanmoins,
de toutes les crises d'ordre social ou touchant aux ressources
naturelles auxquelles l'humanité est confrontée,
la crise de l'eau est au coeur de notre survie et de celle de
notre planète.
Ce
premier WWDR résulte de l'initiative conjointe de 23 agences
des Nations Unies
et forme l'une des principales initiatives du nouveau Programme
mondial pour l'évaluation des ressources en eau (World
Water Assessment Programme, WWAP) lancé en 2000, dont le
Secrétariat est à Paris, au siège de l'Organisation
des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture
(UNESCO). Ce rapport est organisé en six sections principales:
un historique, une évaluation des ressources mondiales
en eau, un examen des besoins, des utilisations et des demandes
(« Les défis touchant à la vie et au bien-être
»), une étude minutieuse de la gestion de l'eau («
Les défis en matière de gestion »), sept études
de cas représentatives faisant ressortir l'importance de
différents scénarios, des conclusions et des annexes.
Les deux sections consacrées aux « défis »
reposent sur les sept défis identifiés lors du 2e
Forum mondial de l'eau qui s'est tenu en 2000 et sur quatre défis
supplémentaires identifiés pendant la réalisation
du présent rapport. L'ouvrage est étayé par
des chiffres, tableaux et cartes révélateurs qui
incluent des informations par pays et il présente des encadrés
illustrant les enseignements tirés. Le résumé
couvre les points clefs du rapport. Pour les synthèses,
conclusions et recommandations détaillées, les lecteurs
consulteront les sections indiquées.
Les
étapes importantes
Au
cours de ces vingt-cinq dernières années, de grandes
conférences internationales, certaines portant sur l'eau
en particulier, ont été organisées. Cette
série se poursuivra en 2003 non seulement avec le 3e Forum
mondial de l'eau (au Japon), mais aussi avec l'Année internationale
de l'eau douce. Ces conférences, les préparatifs
qui les ont précédées et les discussions
qui s'en sont suivies ont modifié notre perception de la
crise de l'eau et ont élargi nos connaissances en ce qui
concerne les réponses à rechercher. La Conférence
de Mar del Plata, en 1977, a été à l'origine
d'une série d'actions mondiales dans le domaine de l'eau.
Parmi celles-ci, la Décennie internationale de l'eau potable
et de l'assainissement (19811990) a permis une extension significative
de la fourniture des services de base aux plus démunis.
Ces expériences ont fait la lumière sur l'ampleur
de la tâche, à savoir la nécessité
d'un formidable développement de l'approvisionnement en
eau et des systèmes d'assainissement, aujourd'hui et pour
les années à venir. La Conférence internationale
sur l'eau et l'environnement (Dublin, 1992) a défini quatre
grands principes qui sont encore applicables aujourd'hui (principe
n° 1 : « L'eau douce - ressource fragile et non renouvelable
- est indispensable à la vie,
au développement et à l'environnement » ;
principe n° 2 : « La gestion et la mise en oeuvre des
ressources en eau doivent associer usagers, planificateurs et
décideurs à tous les échelons » ; principe
n° 3 : « Les femmes jouent un rôle essentiel dans
l'approvisionnement, la gestion et la préservation de l'eau
» ; principe n° 4 « L'eau, utilisée à
de multiples fins, a une valeur économique et devrait donc
être reconnue comme bien économique »).
La
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement (CNUED), en 1992, a permis l'adoption de
l'Agenda 21 qui, à travers ses sept propositions d'action
dans le domaine de l'eau douce, a contribué à mobiliser
les populations en faveur du changement et a enclenché
une évolution, encore très lente, des pratiques
en matière de gestion de l'eau. Ces deux conférences
ont été fondamentales car elles ont placé
l'eau au coeur du débat sur le développement durable.
Le 2e Forum mondial de l'eau, à La Haye en 2000, et la
Conférence internationale sur l'eau, à Bonn en 2001,
ont
continué à ceuvrer dans la même direction.
Toutes ces instances ont défini des objectifs visant à
améliorer la gestion de l'eau, mais peu ont été
atteints.
Cependant,
de tous les objectifs adoptés au cours des événements
de ces dernières années, les
objectifs de développement pour le millénaire (millennium
development goals) établis par les Nations Unies pour 2015
demeurent les plus importants. Un certain nombre d'entre eux se
rattachent tout particulièrement au problème de
l'eau :
-
réduire de moitié la proportion de la population
dont le revenu est inférieur à 1 dollar des États-Unis
par jour ;
-
réduire de moitié la proportion de la population
qui souffre de la faim ; réduire de moitié le
pourcentage de la population qui n'a pas accès à
de l'eau potable
- donner
à tous les enfants, garçons et filles, partout
dans le monde, les moyens d'achever un cycle complet d'études
primaires ;
-
réduire des trois quarts le taux de mortalité
maternelle et des deux tiers le taux de mortalité des
enfants de moins de 5 ans;
- arrêter
la propagation du VIH/sida, maîtriser le paludisme et
d'autres grandes maladies, et commencer à inverser la
tendance;
- porter
une attention particulière aux orphelins du VIH/sida.
Tous
ces besoins doivent être satisfaits tout en protégeant
l'environnement contre une dégradation supplémentaire.
Les Nations Unies ont reconnu que ces objectifs, centrés
sur la pauvreté, l'éducation et la santé,
ne pouvaient être atteints sans un accès approprié
et équitable à certaines ressources, les plus importantes
étant l'eau et l'énergie.
En
mars 2000, la Déclaration ministérielle de La Haye
a énoncé sept défis qui serviront de base
à l'action future. Ils ont en outre été adopté.
par le WWDR comme critères de suivi des progrès
réalisés :
- satisfaire
les besoins humains fondamentaux — assurer un accès
à l'eau et à l'assainissement de qualité
et en quantité suffisantes ;
- assurer
l'approvisionnement alimentaire —
en
particulier des populations pauvres et les plus vulnérables,
grâce à un meilleur rendement de chaque utilisation
d'eau ;
- protéger
les écosystème —
assurer
leur intégrité en gérant les ressources
en eau de manière durable ;
- partager
les ressources en eau — s'efforcer
de développer des politiques permettant la répartition
entre les différentes utilisations et entre les États,
grâce à des approches comme la gestion durable
des bassins communs;
- gérer
les risques —
assurer
la sécurité de chacun en réduisant les
risques liés à l'eau ;
-
valoriser l'eau —
identifier
et évaluer les différentes valeurs de l'eau (économique,
sociale, environnementale, culturelle) et tenter d'accorder
les coûts de son stockage et de son traitement aux objectifs
d'équité et de réponse aux besoins des
populations pauvres et vulnérables
- gérer
l'eau de manière responsable —
impliquer
chaque secteur de la société dans le processus
de décision et prendre en compte les intérêts
de toutes les parties.
Quatre
défis supplémentaires ont été ajoutés
aux sept précédents afin d'élargir le champ
d'application de l'analyse :
- l'eau
et l'industrie —
promouvoir
une industrie plus propre, respectueuse de la qualité
de l'eau et des besoins des autres usagers;
- l'eau
et l'énergie —
évaluer
le rôle clef joué par l'eau dans la production
de l'énergie afin de répondre aux besoins croissants
en énergie ;
-
améliorer les connaissances de base —
faire
en sorte que l'information et les connaissances deviennent accessibles
à toutes les sociétés ;
-
l'eau et les villes —
tenir
compte des besoins spécifiques d'un monde de plus en
plus urbanisé.
Ce
sont ces onze défis qui structurent le WWDR.
En
2002, lors du Sommet mondial sur le développement durable
(SMDD), Kofi Annan, Secrétaire général des
Nations Unies, a identifié cinq grands thèmes, réunis
sous le sigle « WEHAB » (Water and sanitation, Energy,
Health, Agriculture, Biodiversity : eau et assainissement, énergie,
santé, agriculture et biodiversité) comme faisant
partie intégrante d'une approche internationale cohérente
du développement durable. L'eau est au coeur de chacun
de ces domaines clefs. Le SMDD a également ajouté
l'objectif de réduire de moitié, d'ici 2015, le
pourcentage de la population qui n'a pas accès à
l'assainissement.
2002/2003
est donc une étape significative sur la voie de la reconnaissance,
par l'humanité, de l'importance vitale de l'eau pour notre
futur. Cette question figure désormais parmi les points
essentiels de l'ordre du jour politique.
Les
indicateurs des progrès accomplis
L'une
des composantes stratégiques du WWAP est la mise au point
d'un ensemble d'indicateurs. Ils doivent présenter les
phénomènes complexes du secteur de l'eau d'une façon
complète et compréhensible aux décideurs
mais aussi à un public plus large. Ils doivent établir
des repères qui permettront d'analyser les évolutions
du secteur dans le temps et dans l'espace, de façon à
aider les décideurs à comprendre l'importance des
questions liées à l'eau et à les impliquer
dans la promotion d'une gestion efficace de l'eau. De bons indicateurs
aident les professionnels à s'abstraire de la « bulle
de l'eau » et à prendre en compte les vastes questions
sociales, politiques et économiques qui affectent l'eau
et que l'eau affecte. Élaborer des objectifs est essentiel
pour contrôler les progrès vers les objectifs de
développement pour le millénaire liés à
l'eau.La
mise au point d'indicateurs est un processus lent et complexe,
qui necessite de multiples consultations. Les nouveaux indicateurs
doivent être testés et modifiés à la
lumière des expériences acquises.
À
ce jour, le WWAP est convenu d'une approche méthodologique
dans l'élaboration des indicateurs concernant l'eau et
en a identifié une série, grâce aux recommandations
des agences des Nations Unies participant au WWAP
Une meilleure compréhension des problèmes liés
à l'élaboration des indicateurs - disponibilité
des données, mise à l'échelle et agrégation
d'informations obtenues auprès de différentes sources
- a été atteinte. La timidité des progrès
du secteur de l'eau pour adapter les données de modélisation
existantes des systèmes
d'observation de la Terre aux évaluations des ressources
en eau (par exemple les répercussions du réchauffement
dû à l'effet de serre sur
les ressources en eau régionales) est un des obstacles
à la définition d'indicateurs. La relative pauvreté
de la connaissance du fonctionnement des systèmes de drainage
complexes eu égard aux défis anthropogéniques
lorsqu'on la compare à la connaissance approfondie de l'hydrologie
à l'échelle locale en est un autre. Par ailleurs,
le déclin des stations de mesure et des systèmes
utilisés pour l'hydrographie (un problème international
fréquent) entrave la bonne acquisition des données.
Cependant, ce déclin peut être compensé par
les excellentes possibilités, en matière de contrôle,
que constituent la télédétection et l'analyse
informatique des données. Il demeure néanmoins nécessaire
que soit rapidement établi un vaste ensemble de variables
socio-économiques qui permettra de quantifier
les utilisations de l'eau. La conjonction de ces variables avec
les variables hydrographiques peut donner deux chiffres fondamentaux:
le taux de prélèvement/ consommation d'eau et l'approvisionnement
en eau disponible. Réunies, ces variables peuvent former
un précieux indicateur, celui de l'utilisation relative
de l'eau et de la capacité des systèmes à
fournir les services nécessaires. Les incertitudes qui
subsistent en ce qui concerne les estimations actuelles des taux
mondiaux de prélèvement empêchent d'aboutir
à de bonnes évaluations de l'utilisation relative
de l'eau.
La collecte et la préparation des données géophysiques
et socio-économiques des futurs WWDR sont une vaste entreprise.
La géographie de l'approvisionnement en eau, les questions
de la capacité technologique des services assurant la distribution
de l'eau, la croissance de la population, les niveaux de protection
de l'environnement et des services de santé, ainsi que
les investissements dans les infrastructures de l'eau doivent
en outre être inclus dans les futures analyses. À
ce stade, nous avons amorcé le processus à long
terme consistant à mettre au point un ensemble complet
d'indicateurs faciles à utiliser, qui reposera sur l'expérience
acquise et sur les activités de contrôle en cours
auprès des États membres et des agences des Nations
Unies concernés.
Les membres des clubs UNESCO peuvent se procurer le texte intégral
du résumé auprès du Secrétariat
de la FMACU.
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